La France vient de créer un fichier informatisé des étrangers en situation irrégulière. Ce fichier devrait permettre de collecter certaines données sur les expulsés. Il est destiné à renforcer la politique d’immigration restrictive voulue par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy.Que ce soit par la police, les banques, l’assurance maladie ou bien encore la RATP, les Français ont toutes les chances de se retrouver fichés. Cette traçabilité des citoyens dans leur vie quotidienne concerne également les étrangers sur le territoire français. Selon un arrêté paru vendredi 18 août 2006 au Journal officiel, le ministère de l’Intérieur vient de créer un fichier informatisé des étrangers en situation irrégulière. Au vu du dossier, ce fichier dénommé «Eloi» a pour objectif de faciliter la gestion administrative des procédures d’éloignement des étrangers interpellés en situation irrégulière sur le territoire français.
Pour l’essentiel, ce fichier conservera, pendant trois ans après l’expulsion de la personne concernée, un certain nombre de données, dont le nom, la date et le lieu de naissance, des photographies d’identité, les langues parlées. Ce fichier introduit la notion d’aide au séjour irrégulier d’un étranger. Famille et amis d’un étranger dont les papiers ne sont pas en règle seront inscrits, en effet, sur ce document informatique. Le fichier conservera également des informations sur celui qui héberge un étranger en situation irrégulière assigné à résidence, ou encore sur les visiteurs d'un étranger placé en rétention administrative.
«La Cnil n’a pu rendre d’avis motivé»
Saisie ces dernières années de plusieurs projets du ministère de l’Intérieur tels que l'expérimentation des visas biométriques dans les aéroports, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a-t-elle donné son feu vert à ce nouveau fichage ? Selon la responsable de la Direction des Affaires juridiques de la Cnil, Sophie Vulliet-Tavernier, la Commission n’a pas donné son assentiment total à la mise en place d’une telle base de données. Elle explique que : «saisie d’une demande d’avis en mai 2006, la Cnil avait deux mois pour rendre son avis. Compte tenu des moyens limités dont elle dispose et du nombre crossant de dossiers dont elle est saisie, la Commission n’a pu rendre dans les délais qui lui étaient impartis par la loi d'avis motivé. Au terme de la loi, faute de réponse de la Cnil, l’avis est donc favorable. Le ministère de l’Intérieur a fait application de la loi et a mis en place son fichier».
Une des dispositions de la loi «informatique et libertés» réformée en août 2004 prévoit que la création de certains fichiers informatisés soit soumise à un contrôle préalable de la Cnil et non plus seulement à une déclaration préalable. L'autorisation de la Commission est notamment nécessaire si le fichier intéresse la sécurité publique ou a pour objet la prévention, la recherche ou la constatation ou la poursuite d'infractions pénales ou encore l'exécution de condamnations pénales ou de mesures de sécurité. Pour autant, la Cnil peut-elle encore intervenir après n’avoir pas répondu dans les temps légaux ? La réponse est oui, comme l’indique Sophie Vulliet-Tavernier: «Il n’est pas illégitime de mettre en place un fichier administratif pour gérer les procédures complexes d’éloignement. Rien n’empêche la Commission de saisir le ministère de l’Intérieur pour l’interroger sur tel ou tel point du fichier en question ou bien encore de diligenter une mission de contrôle sur place».
Reste que dans l’immédiat, cette base de données va venir s’ajouter à celles qui existent déjà : fichier de gestion administrative des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) sur la validité et la régularité des titres de séjour, fichier des personnes recherchées (FPR), fichier des hôtes étrangers , fichier des empreintes digitales des réfugiés et apatrides.
J.O: ELOI