Ph. Legorjus veut une agence française de la sécurité aérienne
Au Cannes Airlines Forum (CAF), qui se déroule jusqu'à ce soir sur la Côte d'Azur, les avis divergent. Si certains intervenants estiment que le transport aérien n'a jamais été aussi sûr, d'autres tirent la sonnette d'alarme : la menace terroriste reste préoccupante. Philippe Legorjus, l'ancien patron du GIGN, s'inquiète de la «désétatisation» de la sureté aérienne et appelle à la création d'une agence française de la sécurité aérienne.
Les attentats du 11 septembre constituent une date charnière dans le secteur du transport aérien. Face à la menace terroriste toujours persistante, les autorités françaises comme les acteurs du transport aérien ont pris la mesure du danger. L'efficacité des mesures prises faisait toutefois débat, jeudi, au cours de la 15ème édition du Cannes Airlines Forum (CAF).
« Les mesures de sécurité ont un impact sur les voyages. Et il n'est pas certain qu'elles ont atteint leur objectif », a constaté Michel de Blust, secrétaire général de l'ECTAA, l'association européenne des TO et agences de voyages européenne.
Des mesures ont concerné les avions (blindage des portes des cockpits par exemple), d'autres autrement plus visibles et perceptibles, sont celles prises dans les aéroports, lesquelles atteignent des sommets aujourd'hui en termes de contraintes et de stress pour les passagers. Le tout sans que certains professionnels de la sureté ne soient convaincus de leur efficacité, alors qu'elles visent justement abord à rassurer les passagers.
« L'Etat s'est débarrassé de ses missions régaliennes »
Philippe Legorjus, ancien commandant du GIGN ayant géré cinq détournements d'avion dont l'Airbus d'Air France repris à un commando du GIA algérien, à Marseille en 1994, est très sévère sur l'efficacité de la sureté aérienne aujourd'hui.
Pour lui, la multiplication des mesures de contrôle est un échec. Cette stratégie du « mille feuille » est du « pain béni pour les terroristes » et nous met dans une « situation critique », affirme-t-il.
Aujourd'hui Pdg de la société Atlantic Intelligence, il a vivement critiqué l'absence de vision de l'Etat sur la gestion de cette sureté aérienne : « L'Etat s'est débarrassé de ses missions régaliennes et la sécurité échappe à son contrôle opérationnel ».
Philippe Legorjus estime qu'il faut rétablir l'Etat dans le jeu, en introduisant par exemple des « référents » au sein des sociétés de sous-traitance permettant de les raccorder à la chaine de sécurité. « C'est le travail de l'Etat », insiste-t-il, appelant à la création d'une agence française de la sécurité aérienne.
Anticiper les efforts d'imagination des terroristes
« On se focalise sur le filtre. Or la réflexion doit porter sur l'ensemble du périmètre de l'aéroport » renchérit René Dutoit. Le directeur général de Brink's France, leader de la sureté aérienne dans l'Hexagone, estime qu'il faut éviter « une dérive de type société de gardiennage ».
Sur ce point, le sujet est parfois sensible, entre la volonté d'éviter de stigmatiser une population et le fait que des jeunes déjà embauchés puissent tomber très vite dans l'islamisme radical et présenter un risque.
Les spécialistes de la sureté estiment d'autant plus nécessaire le travail en amont qu'il s'agit surtout d'anticiper sur les efforts d'imagination des terroristes, lesquels sont souvent férus d'informatique et de technologie. Face à ces derniers, il faut « réintroduire une sécurité invisible et aléatoire » poursuit Philippe Legorjus.
Certains intervenants ont également posé la question du financement de la sureté qui peut bousculer certains impératifs de rentabilité. « Malgré les failles du système, je suis convaincu que le transport aérien est aujourd'hui très sûr », a toutefois tempéré Jacques Duchesneau, président de l'Administration canadienne de la Sûreté du transport aérien. « Si nous gérons la peur, nous gagnons et les terroristes perdent ».