Policiers, associations et élus craignent une nouvelle explosion en banlieue
Après la série d'incidents entre policiers et jeunes en banlieue parisienne, syndicats de policiers, associations et élus s'inquiètent des risques d'une nouvelle explosion à dix jours de l'anniversaire du début des émeutes d'octobre-novembre 2005.
En quatre semaines, trois incidents sérieux ont mis aux prises policiers isolés, dont certains ont été blessés, et jeunes agresseurs : le 19 septembre aux Tarterêts à Corbeil-Essonnes.
(Essonne), le 1er octobre dans la cité des Musiciens aux Mureaux (Yvelines), le 13 octobre à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis).
Lundi, le Premier ministre, Dominique de Villepin, a demandé à Nicolas Sarkozy (Intérieur) et à Pascal Clément (Justice) "d'étudier un renforcement des poursuites et des peines en cas d'agression des forces de l'ordre".
Après l'agression d'Epinay-sur Seine, des policiers ont dénoncé une recrudescence de la violence à leur encontre. L'Observatoire national de la délinquance a recensé une hausse de 9,78 % des violences contre les "dépositaires de l'autorité" (policiers, gendarmes, pompiers, enseignants), d'octobre 2005 à septembre 2006.
"Gendarmes et policiers, c'est un travail difficile qui demande à être respecté et soutenu", a déclaré M. Sarkozy à Limoges. Il leur a témoigné sa "solidarité la plus totale", affirmant que "les auteurs seront pourchassés, arrêtés et déférés à la justice". Les syndicats de police seront reçus mardi par son directeur de cabinet, Claude Guéant.
"Démotivation", "manque de moyens, "suspicion", "caillassages répétés", "interventions risquées" : les policiers de terrain et leurs syndicats expriment en termes forts leur "ras-le-bol".
Lundi, lors d'une rencontre à Matignon avec M. de Villepin, des associations ont dit être "un peu inquiètes" au vu des "tensions dans les quartiers", a rapporté Hassan Ben M'Barek (collectif Banlieues respects).
Ali Aïssaoui (Union nationale des initiatives républicaines) met en cause "des provocations" mutuelles, et avertit que si la présidentielle "ne propose un débat que sur l'immigration et les sans papiers nous serons tous perdants".
Sur le terrain, Nazim, éducateur de l'association Africa à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), juge que le climat n'est "ni pire ni mieux" qu'il y a un an.
Ahmed Hacène, membre d'un collectif d'habitants d'Epinay-sur-Seine fondé après les émeutes, observe que l'agression de vendredi soir, "acte primaire", "intervient dans un climat de provocations verbales et d'un manque de respect fréquent de la part des policiers".
A Clichy-sous-ois, où les premières violences avaient éclaté le 27 octobre 2005, une grappe de garçons de 15-16 ans du quartier Anatole-France "espèrent bien fêter l'anniversaire", si les policiers viennent les "provoquer".
"Comme par hasard, des associations nous ont signalé la semaine dernière qu'elles observaient un retour en masse des policiers dans plusieurs villes de Seine-Saint-Denis", observe Mohamed Mechmache, éducateur à Montfermeil et président d'AC le feu, qui confie: "On ne veut pas revivre ce qu'on a vécu l'an dernier et pourtant on dirait que tout est fait pour entraîner ces quartiers sur un terrain glissant".
Le collectif Banlieues respects a réitéré sa demande d'un "débat parlementaire" sur l'utilisation des quelque 700 millions d'euros accordés après les émeutes.
"100 millions ont été attribués aux associations et 600 millions aux élus locaux", a relevé M. Ben M'Barek. "Au bout d'un an, on s'aperçoit que ceux qui en ont profité sont les grands réseaux associatifs nationaux et les élus locaux", alors que les associations de terrain "n'ont pratiquement rien eu du tout", a-t-il regretté. Le Premier ministre doit leur donner une réponse "prochainement" sur ce débat, a-t-il indiqué.
L'association a également "réitéré son souhait d'obliger les policiers à vouvoyer les jeunes des quartiers parce que, s'il n'y a pas de respect, on ne peut rien construire de positif dans ces quartiers".
De son côté, Eric Raoult, député-maire UMP du Raincy, a fait savoir que les élus UMP de Seine-Saint-Denis "condamnent ce climat d'impunité et de banalisation de ces agressions", annonçant le lancement d'une opération "Population Police Solidarité".
Claude Dilain, maire PS de Clichy-sous-Bois, exprime, lui, la "désillusion" des habitants un an après l'explosion de violences, souhaitant la venue à Clichy de Jacques Chirac dont il attend "un geste symbolique" de "reconnaissance".