Votée il y a 25 ans, l'abolition de la peine de mort ne fait plus débat en France, l'opinion publique est dans l'ensemble hostile à son rétablissement.
18 septembre 1981 : 363 députés votent l'abolition de la peine capitale, conformément à l'engagement pris pendant la campagne par le nouveau président socialiste, François Mitterrand. "J'ai l'honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale l'abolition de la peine de mort en France", avait déclaré la veille le Garde des Sceaux Robert Badinter, avocat et militant inlassable de cette cause.
L'abolition, votée à une large majorité (seuls 117 députés s'y opposèrent), rencontrait cependant l'hostilité de l'opinion publique. 62 % des Français se disaient favorables à la peine de mort, selon une enquête de 1981 menée par la Sofres. Deux ans plus tard, un sondage de l'Ifop montrait que 59 % des personnes interrogées souhaitaient son rétablissement.
FN et MPF pour le rétablissement
Lentement mais inexorablement, les deux décennies écoulées ont montré "une évolution durable, continue de l'opinion vers l'abolitionnisme", selon Jérôme Sainte-Marie, de l'institut BVA. En avril 2006, le baromètre politique de l'Ifop pour le Centre d'étude de la vie politique française (Cevipof) relevait que les partisans du rétablissement de la peine de mort n'étaient plus que 38 %, alors qu'ils étaient 44 % en 1998.
Jérôme Fourquet, de l'Ifop, constate qu'"en 1998 comme aujourd'hui, seul l'électorat Front national est nettement favorable au rétablissement. Tous les autres sont contre". Le président du FN Jean-Marie Le Pen est, avec celui du Mouvement pour la France Philippe de Villiers, le seul à réclamer un référendum pour rétablir la peine capitale. Mais "Villiers et Le Pen sont marginaux : l'immense majorité des élus politiques est opposée à la peine de mort", souligne Michel Taube, le porte-parole d'Ensemble contre la peine de mort (ECPM).
"Une génération" pour ancrer l'abolition
Pour Robert Badinter, ces résultats ne sont pas une surprise: "je pensais en effet qu'il fallait une génération" pour ancrer l'abolition dans l'opinion. Pour l'ancien ministre, dont les discours sur la question viennent d'être publiés en recueil (Contre la peine de mort, Fayard), le combat se situe désormais sur le terrain de "l'abolition universelle" : 119 Etats de l'ONU sur 199 sont aujourd'hui abolitionnistes. Jacques Chirac, qui avait voté l'abolition en 1981, s'est prononcé en janvier pour inscrire celle-ci dans la Constitution française.
Il reste que, pour Michel Taube, "il n'y a que les juristes pour penser que les lois sont inscrites dans du marbre et du coup sont immuables". Son association ECPM milite pour un travail pédagogique inlassable auprès de l'opinion "pour expliquer les raisons pour lesquelles on a aboli la peine de mort afin de mieux garantir l'impossibilité de revenir en arrière".