Déposer plainte au commissariat ou à la gendarmerie est parfois risqué mais il existe des mesures. LCI.fr fait le point avec Patrick Chauder, commissaire divisionnaire, chef du bureau de délinquance urbaine et des affaires judiciaires à la direction centrale de la Sécurité publique.
LCI.fr : Une famille d'une cité HLM de Goussainville se dit menacée depuis qu'elle a dénoncé des dealers. L'affaire a été révélée cette semaine dans Le Parisien. Ce genre d'histoire est-il fréquent ?
Patrick Chauder : Non. Selon des chiffres de la sécurité publique, en 2004, 79 témoins ont été agressés avant ou après avoir témoigné. En 2005, ils étaient 82. Ces personnes n'avaient pas bénéficié d'un dispositif de protection. Je ne sais pas ce qu'il en est pour cette famille du Val-d'Oise.
LCI.fr : Vous parlez d'un dispositif de protection, en quoi consiste-t-il ?
P.C. : La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité (29 août 2002) prévoit des mesures d'aide aux victimes dans les gendarmeries et les commissariats. Depuis 2002, 319 bureaux ont été mis en place à cet effet pour les écouter, les conseiller, les orienter. Depuis avril 2005, une boîte mail a également été créée. Début 2007, 26 psychologues vont également être engagés. Il y a ensuite un dispositif législatif qui comprend deux mesures. La première permet à la personne de témoigner sans que son adresse n'apparaisse sur le procès verbal. C'est un dispositif que l'on propose quand les témoins sont réticents à déposer, parce qu'il craint pour sa sécurité, parce que sa plainte concerne des voisins dangereux, des personnes de son entourage, etc.
LCI.fr : Et l'autre volet du dispositif ?
P.C. : Il apporte davantage de protection : il permet de déposer "sous X". En clair, dans le procès verbal d'audition du témoin, il n'y aura ni signature, ni état civil (nom, adresse, téléphone, lieux de naissance etc.). Le problème c'est qu'il obéit à des conditions procédurales assez lourdes. On y a recours seulement dans des affaires de crime ou de délit puni d'au moins trois ans de prison. Le témoin peut en faire la demande ou on peut lui proposer. C'est le cas s'il habite un quartier difficile ou s'il est connu de la personne contre qui laquelle il veut témoigner. Donc si l'audition est susceptible de le mettre en danger. Dans ce cas là, le juge des libertés et des détentions est saisi par une requête du procureur de la république ou du juge d'instruction qui doit lui-même émettre une décision motivée. Ceci pour éviter de protéger de faux témoins.
Précisons que cet anonymat peut être levé si la connaissance de l'identité de cette personne est indispensable à l'exercice des droits de la Défense. La personne qui a été mise en examen peut demander à être confrontée à cette personne. Mais cette confrontation se fera dans deux salles différentes avec un dispositif vidéo et avec une voix modifiée.